L'INTERVIEW

M. Issa Yattassaye, Président de l’AFOPREM

Après une légère période d’apathie, l’Alliance des Fournisseurs et Prestataires Miniers du Mali (AFOPREM) se remet en selle avec le remembrement de son bureau et l’élection à sa tête de Monsieur Issa Yattassaye. Cette élection, placée sous le signe du renouveau et de la présence active et militante, offre l’occasion de fixer un nouveau cap à l’Alliance, dont son nouveau Président se fait le porte-voix dans ce numéro de POINT FOCUS.

POINT FOCUS : Les membres de l’Alliance des Fournisseurs et Prestataires Miniers (AFOPREM) vous ont accordé leur confiance pour un mandat de 3 ans à la tête de l’organisation, créée en 2018. Vous avez décliné une feuille de route ambitieuse. Quels sont les axes prioritaires de votre mandat afin de renforcer le rôle de l’AFOPREM dans l’écosystème minier malien ?

Issa Yattassaye : En effet, la confiance renouvelée des membres de l’AFOPREM nous engage à accélérer la structuration et la reconnaissance des fournisseurs et prestataires nationaux dans le secteur minier. Les axes prioritaires de notre mandat s’articulent autour de 5 piliers que sont essentiellement le renforcement des capacités techniques, organisationnelles et managériales de nos membres ; la normalisation des pratiques professionnelles (à travers l’adoption de standards de qualité, sécurité et conformité) ; la défense du contenu local ; la création de partenariats structurants entre les membres, les sociétés minières, les institutions étatiques et les partenaires techniques et financiers ; et enfin la consolidation institutionnelle de l’AFOPREM pour en faire une plateforme crédible de dialogue et d’influence dans l’écosystème minier.

P.F. : Vous avez adressé à vos membres une note dans laquelle vous mettiez au cœur de votre démarche le développement des capacités des entreprises locales. Quels mécanismes concrets envisagez-vous pour professionnaliser davantage les fournisseurs locaux et améliorer leur compétitivité ?

I.Y. : Le développement des capacités des entreprises locales est une condition essentielle pour leur intégration durable dans les chaînes d’approvisionnement minières. À ce titre, nous envisageons d’organiser des programmes de formation continue. En comptant sur des partenariats avec des institutions spécialisées, nous exerçons ces formations sur la gestion de la qualité, la conformité HSE (NDLR : Hygiène-Sécurité-Environnement), les marchés publics et la logistique minière. En amont, nous veillerons à la facilitation de l’accès aux informations sur les appels d’offres et marchés, ainsi qu’à l’appui au montage des dossiers techniques.

Dans une autre mesure, nous mettrons en place un accompagnement technique individualisé pour certains membres afin de diagnostiquer leurs faiblesses structurelles et les corriger. C’est dans ce contexte que la création d’un Label AFOPREM se justifie, et nous servira de référentiel de qualité interne.

“C’est dans ce contexte que la création d’un Label AFOPREM se justifie…”

Ce label sera conçu pour orienter et accompagner les entreprises vers des standards reconnus tels que la certification ISO 9001, tout en tenant compte des réalités locales.

P.F. : L’État du Mali a consacré sa vision du contenu local par une loi prise en 2023. Quelle lecture faites-vous de cette loi, et quelles réponses apportez-vous aux commentaires mettant en doute les capacités des entreprises locales à se hisser au niveau des exigences des firmes internationales ?

I.Y. : La loi sur le contenu local de 2023 est une avancée majeure pour la souveraineté économique du Mali. Elle consacre juridiquement ce que nous défendons depuis la création de l’AFOPREM : la reconnaissance du potentiel national. À ceux qui doutent de la capacité des entreprises maliennes, je répondrai qu’avec un accompagnement structuré, elles peuvent atteindre les standards internationaux. Notre rôle est de lever les obstacles techniques, organisationnels et financiers qui freinent cette montée en compétence. La loi ne doit pas être perçue comme une faveur aux locaux, mais comme une politique de responsabilisation et de montée en gamme des acteurs nationaux, à l’image de ce qui se fait ailleurs en Afrique et dans le monde.

P.F. : Du haut de votre expérience, et après un peu moins d’une décennie d’existence de l’AFOPREM, comment jugez-vous la collaboration entre les fournisseurs locaux et les sociétés minières ? Pensez-vous que cette collaboration a atteint un niveau garantissant des opportunités plus équitables et durables pour les sociétés nationales ?

I.Y. : Il y a eu une évolution certaine, mais nous sommes encore loin d’un équilibre satisfaisant. Les sociétés minières ont progressivement intégré certains fournisseurs locaux dans leurs chaînes d’approvisionnement, mais souvent sur des segments à faible valeur ajoutée. Notre objectif est de faire progresser la relation vers une collaboration plus stratégique, fondée sur la performance, la qualité et la fiabilité. Cela suppose une évolution des mentalités de part et d’autre, ainsi qu’un suivi rigoureux de la mise en œuvre des obligations de contenu local. Aussi, le développement de partenariats avec des institutions de recherche et d’innovation est notre crédo pour favoriser l’adaptation technologique des PME locales, car pour nous, l’innovation n’est pas une option, c’est une exigence de survie dans un secteur aussi exigeant que celui des mines.

P.F. : Quelles initiatives concrètes prévoyez-vous pour faire de la durabilité un axe central dans le développement des fournisseurs locaux et leur intégration dans le secteur minier ?

I.Y. : La durabilité est intégrée dans notre approche de développement. Elle repose sur trois axes que sont l’ancrage local, la viabilité économique des entreprises membres et le respect des normes environnementales. Pour ce qui concerne l’ancrage local, l’AFOPREM entend œuvrer en faveur d’un secteur créateur d’emplois dans lequel la valorisation des ressources humaines nationales est un principe. Un de nos leitmotivs est de permettre à nos entreprises membres d’être viables économiquement en créant les conditions de la diversification de leur offre et de la sécurisation de leur trésorerie.

Enfin, qui parle de durabilité, parle du respect des normes environnementales. C’est pourquoi la sensibilisation, la formation et l’adhésion à de bonnes pratiques sont au cœur de notre action. Nous visons une sous-traitance responsable, qui crée de la valeur pour tous : entreprises, communautés, État et opérateurs miniers.

P.F. : Comment comptez-vous mesurer et maximiser l’impact de l’AFOPREM sur l’économie malienne et sur la création de valeur pour les entreprises locales ?

I.Y. : Nous comptons mettre en place un système de suivi-évaluation basé sur des indicateurs clairs : nombre d’entreprises accompagnées, volume des marchés obtenus, progression des standards de qualité, emplois créés, etc. Par ailleurs, nous allons renforcer notre communication institutionnelle pour mieux valoriser les réussites locales. L’AFOPREM doit devenir un centre de données fiable sur l’impact économique de la sous-traitance locale, afin d’éclairer les politiques publiques et les décisions stratégiques des partenaires.

P.F. : L’AFOPREM a-t-elle vocation à se projeter sur l’espace économique créé par la création de la Confédération des États du Sahel (AES) ? Si oui, quelle sera la politique que vous porterez pour défendre les intérêts des sociétés nationales au Burkina Faso et au Niger ?

I.Y. : L’intégration régionale fait partie de notre vision. Des organisations similaires à l’AFOPREM existent déjà au Burkina Faso et au Niger, et nous collaborons activement avec elles. Nous faisons partie d’un regroupement plus large au sein de l’UEMOA, ce qui permet d’avoir une coordination stratégique des actions et de mutualiser les bonnes pratiques. Notre ambition dans l’espace AES est de favoriser la reconnaissance réciproque des labels nationaux, d’harmoniser les standards de qualification des sous-traitants, et de défendre des clauses de contenu local intégrées aux politiques minières régionales. L’AFOPREM sera un acteur de cette dynamique, avec une approche solidaire et proactive.

“La durabilité est intégrée dans notre approche de développement.”

P.F. : Face aux défis liés à l’évolution des standards industriels et environnementaux, comment l’AFOPREM va-t-elle accompagner les fournisseurs locaux pour qu’ils restent à la pointe de l’innovation ?

I.Y. : Nous voulons bâtir une culture de la conformité et de l’innovation au sein de l’Alliance, qui passera par une intégration des standards internationaux dans notre dispositif de formation et d’audit. En un second temps, il s’agira de promouvoir, en notre sein et en dehors, l’économie circulaire et des solutions durables, notamment dans la gestion des déchets et la transition énergétique.

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