LE DOSSIER

Durabilité ou développement durable ? Mieux comprendre pour mieux agir.

Il y a quelques mois, à Bamako, lors d’une table ronde réunissant plusieurs professionnels du secteur autour d’un panel sur les mines responsables, un intervenant évoquait la fin d’un programme mené pratiquement à bien, concluant avec cette phrase : « La durabilité de notre projet s’est jouée à… quelques batteries près. » Cette remarque, à première vue anodine, a ouvert un débat vif et révélateur : parle-t-on ici de durabilité ou de développement durable ? Et pourquoi cette nuance mérite-t-elle autant d’attention, ici et maintenant ?

Dans les débats sur les ressources naturelles, les politiques énergétiques ou les responsabilités sociales des entreprises, deux notions reviennent souvent : durabilité et développement durable. On les confond facilement, tant leur usage est devenu courant. Pourtant, les distinguer permet d’y voir plus clair, surtout à l’heure où POINT FOCUS consacre un numéro entier à ces enjeux cruciaux.

Aux origines du développement durable.

Le concept de développement durable prend véritablement forme dans les années 1980, en particulier à travers le rapport Brundtland (Notre avenir à tous, 1987), rédigé sous l’égide de l’ONU. Il y est défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Rapidement repris dans les grandes conférences internationales, il articule trois dimensions : économique, sociale et environnementale, que les politiques publiques cherchent encore aujourd’hui à faire converger.

Et la durabilité dans tout ça ?

Alors pourquoi cette distinction mérite-t-elle notre attention ?

Dans les secteurs que couvre POINT FOCUS, à savoir essentiellement les mines, l’énergie, le pétrole et l’hydraulique, ces notions prennent tout leur sens. Elles influencent la manière dont les projets sont conçus, perçus et évalués, aussi bien par les bailleurs que par les communautés concernées.

Prenons une mine dite « durable » : elle ne se contente pas de limiter ses impacts. Elle anticipe sa propre fermeture, investit dans les compétences locales et envisage la reconversion du site.

Cette approche rejoint les propos de Youba Sokona, scientifique malien et vice-président du GIEC : « La transition énergétique en Afrique ne peut être un simple copier-coller des modèles occidentaux. Elle doit être pensée en fonction des réalités locales, avec une approche durable et inclusive. » (Le Monde, 2015).

De même, Fatima Denton, directrice de l’Institut des Nations Unies pour les ressources naturelles en Afrique, rappelait lors d’une conférence à Addis-Abeba en 2017 : « Le changement climatique est une opportunité pour l’Afrique de repenser son développement, en mettant l’accent sur la durabilité et l’innovation locale. »

Dans un contexte où les pressions sociales, climatiques et économiques s’intensifient, la durabilité oblige à sortir du court terme. Elle invite à penser les projets non pas comme des réponses ponctuelles, mais comme des dynamiques vivantes, capables d’évoluer avec leur environnement.

C’est pourquoi nous avons fait le choix, dans ce numéro, de parler de durabilité. Parce que le temps des intentions est révolu. Ce qui importe désormais, c’est la capacité des projets à durer, à s’adapter, à enrichir les territoires dans lesquels ils s’ancrent.

Et si cette distinction, à première vue théorique, était en réalité l’un des leviers concrets de transformation pour l’Afrique de l’Ouest ?

Par I.Z.

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