
Entretien avec Cyril Achcar, Directeur Général du GIE AMI
L’eau minérale, une ressource stratégique pour le développement économique local.
Dans ce numéro consacré à l’eau, nous avons rencontré Cyril Achcar, Directeur Général du GIE AMI, un groupe industriel majeur au Mali. Il nous éclaire sur les enjeux de la gestion de l’eau minérale, une ressource à la fois économique et stratégique, et partage sa vision sur le rôle du secteur privé dans la préservation de cette richesse naturelle.
POINT FOCUS : Bonjour Cyril Achcar. Pouvez-vous nous présenter le GIE AMI et son rôle dans l’industrie malienne ?
Cyril Achcar : Bonjour. Le GIE AMI est un groupe industriel diversifié, présent dans plusieurs secteurs clés de l’économie malienne, notamment l’agroalimentaire, l’énergie et les mines. Notre mission est de contribuer au développement économique du Mali en créant de la valeur ajoutée locale, en générant des emplois et en favorisant l’innovation. Nous sommes notamment connus pour être l’actionnaire majoritaire de la Société des Eaux Minérales du Mali (SEMM), qui produit l’eau minérale naturelle Diago, une véritable institution dans le pays.
POINT FOCUS : Justement, parlons de l’eau minérale Diago. Comment une ressource naturelle comme l’eau devient-elle un produit stratégique pour une entreprise et pour un pays ?
Cyril Achcar : L’eau minérale n’est pas une simple commodité. C’est une ressource naturelle précieuse, dont la qualité et la disponibilité sont étroitement liées à la santé publique et au développement économique. Pour nous, l’eau Diago est bien plus qu’un produit : c’est un patrimoine national. Elle provient d’une source naturelle située à Diago, dans la région de Koulikoro, une nappe phréatique protégée qui offre une eau pure, sans traitement chimique. Notre responsabilité est de la commercialiser tout en veillant à préserver cette ressource pour les générations futures. Sur le plan économique, la SEMM crée des emplois directs et indirects, participe à la formation professionnelle et soutient des initiatives locales dans les domaines de la santé et de l’éducation. En cela, elle est un acteur du développement local.
POINT FOCUS : Quels sont les défis auxquels vous faites face dans la gestion de cette ressource en eau ?
Cyril Achcar : Les défis sont multiples. Le premier défi est environnemental : protéger la source et son écosystème. Nous avons mis en place un périmètre de protection autour de la source pour éviter toute pollution, et nous menons des actions de reforestation pour préserver la nappe phréatique. Le deuxième défi est lié à la pression démographique et climatique. Avec les sécheresses récurrentes et la croissance de la population, la demande en eau potable augmente, et nous devons garantir que notre exploitation reste durable. Enfin, il y a un défi logistique et énergétique. Assurer la production et la distribution dans un pays aussi vaste que le Mali nécessite des investissements constants dans les infrastructures et l’efficacité énergétique, notamment via l’utilisation de l’énergie solaire pour réduire notre empreinte carbone.
POINT FOCUS : Le changement climatique affecte-t-il directement votre activité ?
Cyril Achcar : Absolument. Le changement climatique se traduit par une plus grande variabilité des précipitations, ce qui peut affecter le renouvellement des nappes phréatiques. Bien que la source de Diago soit profonde et encore préservée, nous devons anticiper des scénarios à long terme où la pression sur la ressource pourrait augmenter. C’est pourquoi nous investissons dans des technologies qui réduisent notre consommation d’eau lors du processus de production et qui optimisent le recyclage de l’eau utilisée dans nos usines.
POINT FOCUS : Comment voyez-vous l’avenir de l’eau minérale au Mali et en Afrique de l’Ouest ?
Cyril Achcar : Je suis optimiste, mais lucide. La demande en eau potable de qualité va continuer à croître, portée par l’urbanisation et la prise de conscience des enjeux sanitaires. Le secteur de l’eau minérale a un rôle clé à jouer, à condition de s’inscrire dans une démarche responsable et durable. Au-delà de la commercialisation, je pense que les entreprises comme la nôtre doivent contribuer à la sensibilisation des populations sur l’importance de préserver l’eau. Nous envisageons également des partenariats avec des acteurs publics et des ONG pour développer des projets d’accès à l’eau potable dans les zones rurales.
POINT FOCUS : Un dernier message pour nos lecteurs ?
Cyril Achcar : L’eau est une ressource stratégique, et sa gestion doit être une priorité collective. Le secteur privé a un rôle à jouer aux côtés des États et des communautés locales pour garantir un accès équitable et durable à l’eau. Investir dans l’eau, c’est investir dans la santé, l’économie et la stabilité de nos sociétés. Je crois fermement qu’avec une vision à long terme et une coopération entre tous les acteurs, nous pouvons faire de l’eau un moteur de développement pour le Mali et toute l’Afrique de l’Ouest.
Propos recueillis par Fatoumata Keïta.