
Envolée de l’or : entre records historiques et nouvelles donnes mondiales.
À l’heure où l’or tutoie des sommets inédits, le métal jaune confirme son statut paradoxal : actif improductif mais valeur refuge universelle, il cristallise les peurs autant qu’il inspire la confiance. Son envolée récente n’est pas un accident conjoncturel mais le résultat d’une combinaison de facteurs économiques et géopolitiques.
Une ascension spectaculaire en cinq ans
Depuis 2020, le cours de l’or est passé d’environ 1 800 dollars l’once à plus de 3 600 dollars, soit un quasi-doublement en cinq ans. Cette hausse reflète d’abord les inquiétudes monétaires. Aux États-Unis, le ralentissement du marché de l’emploi et la hausse des inscriptions au chômage nourrissent l’hypothèse d’un assouplissement de la politique de la Réserve fédérale.
Les marchés anticipent plusieurs baisses de taux d’ici fin 2025, un scénario qui réduit l’attrait du dollar et favorise mécaniquement le métal jaune.
Contexte géopolitique : un carburant supplémentaire
Au-delà de cette mécanique financière, l’or bénéficie d’un contexte géopolitique instable. Guerre en Ukraine, tensions persistantes au Moyen-Orient, crispations en Asie orientale : chaque crise agit comme un carburant supplémentaire pour la demande. Dans ce climat, les banques centrales renforcent leurs réserves et les investisseurs privés cherchent une protection tangible.
Les réserves d’or : le vrai baromètre de puissance
Cette dynamique dépasse largement les marchés financiers pour se traduire en diplomatie et en politique économique. Détenir des lingots est devenu une manière d’afficher sa souveraineté, de rassurer ses créanciers et parfois d’exercer une pression implicite.
Rang | Pays | Tonnes d’or | Valeur estimée en FCFA |
---|---|---|---|
1 | États-Unis | 8 133,0 | ≈ 488 000 milliards |
2 | Allemagne | 3 350,0 | ≈ 201 000 milliards |
3 | Italie | 2 452,0 | ≈ 147 000 milliards |
4 | France | 2 437,0 | ≈ 146 000 milliards |
5 | Russie | 2 333,0 | ≈ 140 000 milliards |
6 | Chine | 2 279,0 | ≈ 137 000 milliards |
7 | Suisse | 1 039,9 | ≈ 62 000 milliards |
8 | Inde | 879,6 | ≈ 52 000 milliards |
9 | Japon | 845,9 | ≈ 50 800 milliards |
10 | Turquie | 623,9 | ≈ 37 400 milliards |
Estimation : conversion calculée avec les équivalences utilisées par la rédaction (1 USD ≈ 600 F CFA, 1 € ≈ 655 F CFA). Les montants restent indicatifs et varient selon le cours exact de l’or et les taux de change.
Le rôle dual de l’or : économique et stratégique
Ce paradoxe illustre le rôle dual de l’or. D’un côté, il constitue une ressource économique capable de générer des recettes rapides pour les États exportateurs. De l’autre, il devient un outil de politique étrangère et un marqueur de puissance.
Les banques centrales l’ont bien compris : leurs achats se sont multipliés au cours des dernières années, renforçant le rôle de l’or comme actif stratégique au cœur des rapports de force mondiaux.
L’Afrique face au défi des réserves
Pour les pays africains, cette question prend un relief particulier. Plusieurs producteurs majeurs profitent déjà des cours élevés pour gonfler leurs revenus et attirer de nouveaux investisseurs. Mais la tentation demeure de céder l’essentiel à l’exportation, au risque de passer à côté d’un levier de souveraineté.
Constituer des réserves nationales solides pourrait renforcer la crédibilité budgétaire et diplomatique du continent, même si cela suppose de résister à l’urgence des besoins financiers immédiats.
Chronologie : L’or au fil des crises
1971
Fin de la convertibilité du dollar en or, effondrement du système de Bretton Woods
2008
Crise financière mondiale, le cours franchit pour la première fois les 1 000 USD l’once (≈ 600 000 F CFA)
2020
Pandémie de Covid-19, l’or dépasse les 2 000 USD l’once (≈ 1 200 000 F CFA)
2025
Record historique à près de 3 650 USD l’once (≈ 2 190 000 F CFA)
Dans un contexte de tensions monétaires et géopolitiques, la stratégie de constitution de réserves d’or pourrait bien marquer la frontière entre une rente éphémère et une puissance durable pour les nations africaines productrices.