LE DOSSIER

Le CIRDI, l’arbitre des grands contrats.

Créé en 1966 sous l’égide de la Banque mondiale, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) est aujourd’hui la principale juridiction en matière de litiges entre États et investisseurs étrangers.

Basé à Washington, le CIRDI fonctionne sur la base de la Convention de Washington de 1965, que plus de 150 pays ont ratifiée. En adhérant, les États s’engagent à reconnaître et exécuter automatiquement les sentences arbitrales, comme s’il s’agissait de jugements de leurs propres tribunaux.

Le CIRDI offre ainsi un cadre réputé neutre et spécialisé, où les différends liés aux contrats miniers, pétroliers ou énergétiques se règlent loin des juridictions nationales. Ses sentences, exécutoires dans un large nombre de pays, en font un instrument redoutablement efficace… mais aussi controversé.

Pour les gouvernements africains, saisir ou être saisi devant le CIRDI pose un dilemme : défendre la souveraineté nationale au risque de s’aliéner les investisseurs, ou négocier sous la menace d’une condamnation aux dédommagements souvent colossaux.

QUELQUES RÉCENTS ARBITRAGES SPECTACULAIRES

ConocoPhillips c. Venezuela (pétrole, 2019-2025)
Le CIRDI a condamné le Venezuela à verser environ 8,5 milliards de dollars US (près de 5 100 milliards F CFA) pour expropriation. En janvier 2025, la demande d’annulation déposée par l’État a été rejetée : il reste tenu de payer.

Tethyan Copper Company (Barrick/Antofagasta) c. Pakistan – Reko Diq (cuivre-or, 2019-2022)
Le Pakistan avait été condamné en 2019 à près de 5,9 milliards de dollars US (environ 3 540 milliards F CFA). Après un accord en 2022, l’amende a été levée en échange d’un redémarrage du projet minier sous contrôle de Barrick.

Perenco c. Équateur (pétrole, 2019-2021)
Après un arbitrage initial de 449 millions de dollars US (≈ 269 milliards F CFA), le montant a été réduit en appel à 412 millions de dollars US (≈ 247 milliards F CFA). L’Équateur a finalement payé environ 374 millions de dollars US (près de 224 milliards F CFA) après compensation environnementale.

Les sentences CIRDI peuvent parfois atteindre des niveaux comparables à plusieurs années de budget d’un État africain. Entre confirmation d’amendes records (Venezuela), compromis pragmatiques (Pakistan) et réductions partielles (Équateur), chaque arbitrage est un champ de bataille financier et diplomatique.

Lorsqu’un État refuse d’exécuter une sentence, la partie gagnante peut engager des procédures de saisie de ses avoirs à l’étranger, appuyée par les juridictions des pays membres de la convention. De la même manière, lorsqu’un investisseur privé perd et refuse de se conformer, ses actifs internationaux peuvent être ciblés. Dans les deux cas, le coût financier se double d’un coût diplomatique et réputationnel, qui pousse presque toujours vers une transaction ou un règlement négocié.

Dans les faits, certains États (Argentine, Venezuela) ont longtemps résisté, mais cette stratégie finit presque toujours par des pressions diplomatiques, des saisies spectaculaires d’actifs et, tôt ou tard, une négociation.

Par T.Z.

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