LE DOSSIER

Quand la diplomatie s’invite dans les mines.

Les litiges extractifs ne se limitent pas aux salles de négociation. Dans l’ombre, les chancelleries accompagnent leurs champions industriels, révélant combien la diplomatie et l’économie minière sont désormais imbriquées.

Les différends miniers ne se jouent pas seulement entre États et compagnies. Ils deviennent très vite des dossiers diplomatiques, où les ambassades et réseaux d’influence accompagnent, plus ou moins ouvertement, leurs acteurs nationaux.

Au Mali comme ailleurs, le Canada suit de près les intérêts de ses sociétés extractives. À Bamako, l’ambassadeur Nicolas Simard a publiquement évoqué les enjeux du secteur aurifère, dans un contexte où les groupes canadiens dominent la production industrielle. En Zambie, First Quantum Minerals, acteur canadien majeur du cuivre, a connu des litiges fiscaux et contractuels évalués à plus d’un milliard de dollars US (plus de 600 milliards F CFA). Sans être officiellement des lobbyistes, les relais diplomatiques canadiens ont accompagné les discussions entre Lusaka et l’entreprise, soucieux de préserver des investissements stratégiques.

La Chine, pour sa part, lie étroitement sa diplomatie à ses grands projets miniers. En République démocratique du Congo, la querelle entre l’État et China Molybdenum autour de la mine géante de Tenke Fungurume a illustré cette proximité : blocages d’exportation, désaccords sur les royalties, puis compromis en 2023. Pékin a pesé dans les coulisses pour que la production de cobalt, essentielle aux batteries, ne soit pas interrompue, confirmant le rôle politique de ses investissements.

Quant à la Russie, elle a longtemps cherché à sécuriser sa présence en Guinée par le biais de Rusal, acteur clé de la bauxite. Les projets guinéens, dont l’immense gisement de Simandou, ont fait l’objet de tensions récurrentes avec Conakry. Ici encore, le soutien diplomatique de Moscou, à travers déclarations officielles et rencontres bilatérales, a visé à protéger les positions acquises par ses entreprises.

Enfin, le Niger apporte une illustration récente où la souveraineté affichée a pris le dessus. En 2025, l’État a retiré à Orano ses permis stratégiques, nationalisé Somair et engagé des procédures contre la société française après l’arrestation de cadres et la saisie de matériel. La même année, trois responsables chinois du secteur pétrolier ont été expulsés pour non-respect des règles locales d’emploi et d’égalité salariale. Autant de décisions unilatérales qui, faute d’une médiation diplomatique visible, traduisent une volonté de Niamey d’imposer ses conditions, quitte à provoquer des tensions avec ses partenaires étrangers.

Ces exemples rappellent que les arbitrages miniers débordent vite du strict terrain économique. Défendre une compagnie nationale à l’étranger, c’est aussi défendre un espace d’influence et de prestige : une diplomatie des mines qui s’affirme comme l’un des nouveaux fronts géopolitiques du XXIe siècle.

Par T.Z.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page