
Terres rares – quand l’Afrique invente de nouvelles filières
Deux annonces en Afrique du Sud et au Malawi rebattent les cartes du marché mondial des terres rares. La première transforme un déchet industriel en ressource stratégique. La seconde verrouille un contrat d’approvisionnement long terme vers l’Australie. POINT FOCUS vous en décrypte les enjeux, et pourquoi ces signaux sont une excellente nouvelle pour l’Afrique.
De Phalaborwa au Malawi, les métaux critiques africains prennent place dans les batteries, moteurs et éoliennes de demain.
Phalaborwa : quand les déchets deviennent un gisement
À Phalaborwa, ancienne ville minière du nord-est sud-africain, Rainbow Rare Earths a réussi à extraire des terres rares à partir de… phosphogypse. Ce sous-produit blanchâtre de l’industrie des engrais, jusque-là stocké en montagnes de déchets, recèle en réalité des métaux critiques comme le néodyme et le praséodyme, essentiels aux aimants des éoliennes et des véhicules électriques.
Grâce à un procédé innovant de séparation continue, l’entreprise affirme avoir atteint des teneurs supérieures à 90 % de pureté. “Ces résultats confirment le potentiel de Phalaborwa pour devenir l’un des producteurs à plus bas coût de terres rares en dehors de la Chine”, a déclaré George Bennett, son directeur général. Autrement dit : transformer un passif environnemental en actif stratégique.
Kangankunde : un contrat qui sécurise l’aval
Plus au nord, au Malawi, le projet de Kangankunde s’apprête lui aussi à basculer dans la cour des grands. Son opérateur, Lindian Resources, vient de signer avec l’australien Iluka Resources un contrat d’approvisionnement de quinze ans. L’accord porte sur 600 tonnes par an de concentré de monazite – un minéral riche en terres rares –, soit 900 tonnes au total.
Pour financer la construction, Iluka avance un prêt de 20 millions de dollars (environ 12 milliards F CFA). La matière première malawite sera ensuite raffinée dans l’usine d’Eneabba, en Australie occidentale, première raffinerie intégrée de terres rares hors de Chine, dont le démarrage est prévu en 2027. Dans sa note officielle, Iluka souligne : “c’est un exemple d’Iluka catalysant une nouvelle mine en production en tant que client raffineur”.
Une filière africaine au cœur du jeu mondial
Ces deux initiatives disent beaucoup. D’un côté, l’Afrique du Sud montre qu’il est possible de créer une filière secondaire en valorisant des déchets industriels. De l’autre, le Malawi s’inscrit dans une chaîne de valeur internationale en sécurisant un client final sur quinze ans.
Pour les observateurs, le message est clair : le continent n’est plus seulement une réserve brute, mais aussi un laboratoire de procédés et un maillon contractuel incontournable. Dans un contexte où 90 % du raffinage des terres rares est encore assuré par la Chine, ces signaux changent la donne. Ils diversifient les approvisionnements, rassurent les investisseurs et placent l’Afrique au cœur d’une transition énergétique qui repose autant sur l’innovation que sur l’intégration dans les marchés mondiaux.
Par I.Z.